• Discours de la Méthode

     

    Discours de la MéthodeNB : le texte ci-dessous ne représente que mon avis personnel et n’engage « Ensemble ! » en aucune façon.

    Je n’ai évidemment pas la présentation de vouloir réécrire ni discuter le livre que René Descartes a écrit en 1637. Qui ne connait pas le fameux « je pense donc je suis » ?

    Je voudrais parler, plus prosaïquement d’un évènement qui, pour n’être pas le principal dans ces temps d’épidémie et de crise économique, pourrait toutefois être de nature à influer sur nos vies : ça y est, c’est fait ! Quoi, qu’est ce qui est fait ? Ben… Jean-Luc Mélenchon a présenté sa candidature aux élections présidentielles de 2022.

    Peut-être s’agit-il, comme le pensent sans doute les militant-e-s de France Insoumise, du meilleur candidat qui seul pourrait éviter le duel Macron-Le Pen, fort de ses 19.58% et de ses plus de 7 millions de voix au 1er tour de 2017. Mais tout aussi bien, peut-être pas.

    Je ne trancherai pas cette question ici, chacun se fera son opinion. Mais je voudrais revenir sur la méthode qui a présidé à cette présentation et qui me pose problème.

    LA MÉTHODE EN ELLE-MÊME

    Comment accorder du crédit à une méthode consistant à recueillir 150 000 noms sur une pétition en ligne, lorsqu’on revendique 400 000 soutiens en 2017 sur la plateforme de la France Insoumise ? Ces 150 000 signatures, présentées comme une condition préalable à une candidature, comme une « caution populaire », sonnent comme un aveu : celui d’avoir choisi un seuil suffisamment bas pour ne pas risquer le désaveu, justement, et d’autre part pour pouvoir les recueillir rapidement, ce qui permet à Jean-Luc Mélenchon d’insister sur la motivation avec laquelle « le peuple » accueille sa proposition.

    Quelle est cette proposition ? La recherche d’un consensus à gauche[1] sur une candidature commune aurait voulu que la proposition soit « si j’obtiens une investiture populaire de 150 000 signatures, je me déclare prêt à être ce candidat commun, à l’issue d’un processus de désignation unitaire et démocratique qui regroupera toutes les forces de gauche, qui ainsi, seront en mesure d’apporter leur soutien à cette investiture populaire, dans cette bataille pour débarrasser le pays du gouvernement Macron et du grand capital »

    Mais non. Cette proposition, qui aurait été grande, fut remplacée par une, beaucoup plus petite, résumée par « 150 000 : il est candidat ».

    N’y a-t-il que moi qui vois la différence ? Je ne le pense pas. Tous les gens comme moi se sentent dépossédés en avance de leur voix à la présidentielle. D’autant que les éléments de langage qui seraient appropriés pour  un candidat « populaire » et unitaire (« nous », « notre programme ») sont remplacés à l’envi par « JE suis candidat, sur MON programme », comme on peut le lire sur l’édito de la page web « nous sommes pour » :

    Non, Jean-Luc, l’Avenir en Commun n’est pas TON programme. Il faut cliquer sur le lien de téléchargement dudit programme pour lire qu’il a été co-écrit avec des milliers de citoyens, et on ne saura jamais que ce programme n’est pas parti de rien, mais que l’immense majorité de ses propositions étaient déjà dans celui du Front de Gauche. Et on se souvient que ce programme de 2012, « l’humain d’abord », était le produit de la mise en commun des cultures et expériences des nombreuses organisations qui le constituaient[2].

    C’est pour cela que l’Avenir en Commun est – globalement, malgré ses manques ou certains points qui peuvent créer des désaccords mineurs – un bon programme, dans lequel énormément de gens peuvent se reconnaitre. Il est dommage qu’il ait été confisqué une première fois par la seule France Insoumise, puis maintenant par son chef.

    LE MOMENT

    On peut se poser la question : le moment choisi pour une telle annonce était-il le bon ?

    Était-il opportun de présenter sa candidature au moment où le temps de cerveau disponible pour cette élection n’est peut-être au top, pour les raisons que l’on sait et sur lesquelles il n’est pas utile de revenir.

    Si l’on part du principe qu’un-e candidat-e commun-e de la gauche devrait être investi-e par toute la gauche, sans minimiser le rôle des citoyen-ne-s, bien sûr ; si l’on considère que ce candidat ou cette candidate aurait eu tout à gagner de la mise en œuvre de cette unité politique-citoyenne lors des élections départementales et régionales qui auront lieu sans doute en juin ; Si l’on considère que remporter dans notre escarcelle des départements ou des régions permettrait de rendre l’espoir à notre électorat, et de le remobiliser plus facilement pour les présidentielles ; alors il ne pouvait y avoir pire moment.

    Cette annonce de Jean-Luc Mélenchon, à ce moment, risque de stopper net la dynamique qui aurait pu naître dans les deux prochaines années, dynamique pour retrouver une unité particulièrement mise à mal ces derniers temps, dans les luttes et les urnes, et à laquelle tout le monde aspire.

    Cette annonce de Jean-Luc Mélenchon arrive, bizarrement le week-end même où avait lieu la première réunion nationale du collectif des 1000 à l’initiative de l’appel « 2022 (vraiment) en commun ». C’est pas cool.

    Ne nous reste-t-il qu’à déléguer notre colère à France Insoumise (tant qu’elle ne sera pas remplacée par une autre structure gazeuse) et à Mélenchon ? Je ne m’y résous pas. Pourtant le moment choisi par JLM est bien celui-là, et il est particulièrement bien choisi pour ne mettre en avant que SA candidature.

    C’est dommage. Car peut-être sa candidature est-elle effectivement la meilleure ? Mais on ne le saura jamais car on ne nous aura pas demandé notre avis.

    Bien sûr, mais cela va mieux en le disant, je pourrais écrire la même chose si l’un-e ou l’autre dirigeant-e d’un autre parti annonçait également vouloir faire cavalier seul. Mais pour l’instant, et heureusement, tel n’est pas le cas. Il n’en reste pas moins que si un ralliement se faisait sur la candidature de JLM pour ne pas effriter un peu plus la gauche, il n’est pire ralliement que celui qui se fait par la contrainte. Seul un ralliement enthousiaste peut prétendre gagner. Pour l’instant, cela me semble mal parti.

    Il me reste un espoir : le « discours de la méthode » de Descartes s’ouvre sur cette remarque : « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». Même si personnellement je n’en suis pas convaincu, j’espère que le bon sens, et surtout la conscience la plus haute des intérêts de nos concitoyens, feront revenir JLM à la raison : qu’il se porte candidat non pas à la présidentielle, mais à une réelle investiture populaire, par les citoyen-ne-s et les mouvements de gauche qui font encore la richesse de notre pays.

     


    [1] Une fois pour toute, j’utiliserai le mot « gauche » pour désigner les mouvements, politiques, syndicaux, associatifs, qui agissent pour les intérêts, économiques, écologiques, politiques, du plus grand nombre (des salariés, des précaires, des chômeurs, et de leurs alliés, artisans, petits commerçants, autoentrepreneurs, petits patrons) contre les seuls intérêts financiers du grand capital, inconciliables avec les nôtres. Cela exclut de fait la gauche « d’accompagnement », celle qui se donne des grands airs lorsqu’elle est dans l’opposition, et s’écrase lorsqu’elle est au pouvoir, au nom du « réalisme économique ».


    [2] Le Front de Gauche était constitué par : le PCF, le Parti de Gauche (PG), Gauche Unitaire (GU), Gauche Anticapitaliste (GA), Convergences et Alternative (C&A) Les Alternatifs, la Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologiste (FASE). Les 4 derniers et la majorité de GU fusionneront en 2013 pour donner Ensemble ! Auparavant, GU, GA et C&A étaient eux-mêmes des partis ou mouvement issus du NPA et/ou de la LCR.

     

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  • Commentaires

    1
    veve guinot
    Jeudi 19 Novembre 2020 à 18:24

    Tout à fait d'accord, et le ralliement de Clémentine est une grande déception!

    je suis membre de "continuons Ensemble!"de Marseille, bien fraternellement

     

     

     
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    2
    Christiane Dedryver
    Jeudi 19 Novembre 2020 à 19:04

    J'adhère complètement à ce que tu écris ! Encore une occasion manquée ! Je ne suis pas certaine que Clémentine se soit ralliée comme il est dit ci-dessus mais une fois que l'annonce est faite, que reste-t-il à dire aux membres de la FI ? Je suis malheureusement persuadée qu'ils et elles ne sont pas plus convié-e-s à donner leur avis. D'ailleurs je, je, je, mon, ma etc  montre bien qu'à part lui ... Et pourtant si en effet, il avait fait sienne la proposition de Gilles "si j’obtiens une investiture populaire de 150 000 signatures, je me déclare prêt à être ce candidat commun, à l’issue d’un processus de désignation unitaire et démocratique qui regroupera toutes les forces de gauche, qui ainsi, seront en mesure d’apporter leur soutien à cette investiture populaire, dans cette bataille pour débarrasser le pays du gouvernement Macron et du grand capital » Il ne l'a pas fait ! Hélas !

     

     

    3
    Etienne Adam
    Jeudi 19 Novembre 2020 à 20:43

    Gilles,

    Merci pour ce billet, je partage beaucoup de ce que tu dis.

    Il ne suffit pas d'associer le peuple, les citoyen.nes au programme c'est d'ailleurs assez ancien maintenant puisque c'est dan sla préparation de 2007 que furent élaborées des propositions programmatiques qui on été reprises après par tout le monde. Il faut rappeler les 500 personnes présentes à Nanterre représentant des centaines de collectifs ont mis la dernière main à un programme largement adopté. Ce qui a manqué - et qui manque depuis- c'est d'associer militant.es citoyen.nes à la stratégie c'est à dire le débat sur la campagne à mener et bien sur la désignation du ou de la candidates ou plus exactement des candidat.es pour l'ensemble présidentielle législatives. C'est cette dynamique "citoyenne" qui pourrait permettre de lutter contre l'abstention surtout dans les milieux populaires mais aussi dans chez les gens qui bougent

    Ce qui me gêne dans la candidature de JLM c'est qu'elle se situe dans le cadre imposé par les institutions   et dans un tel cadre nous ne pouvons que perdre les élections d'abord mais aussi la lutte contre Macron qui commence aujourd'hui et ne saurait attendre 2022. Je suppose que JLM ne mesure pas que ce recentrement sur le champ politique le plus classique ne peut que diviser et démobiliser au moment même où les colères se déceloppent mais ne veulent pas d'une récupération politicienne

    Etienne

      • Bruno
        Vendredi 20 Novembre 2020 à 18:02
        Merci Gilles, je partage complètement ton propos. Et comme tu le dis, il y a d'autres élections- intermédiaires - et personnellement je n'oublie pas le comportement de JLM lors des précédentes. Je souhaite qu'il retire sa candidature et que l'on retienne ta proposition pour une désignation commune et représentative de toutes les personnes partageant les valeurs de gauche. Et surtout pas une auto-proclamation! Les choses changent il est temps d'apporter autre chose et changer de comportement ! Pour espérer apporter et rallier plus de concitoyens.
    4
    JEAN-MICHEL BERTRAND
    Samedi 21 Novembre 2020 à 14:55

    Plus qu'entièrement d'accord. Quelle tristesse après des années de lutte pour l'unité des gauches et des écologistes (Big Bang, Plus jamais ça, 2022 en commun....) de voir un politique égotiste vouloir couper l'herbe sous les pieds de celles et de ceux qui espèrent construire un mouvement unitaire, ce pour son intérêt personnel ! Où est le peuple, où est la fédération populaire ? Quelle hypocrisie de déclarer inutile l'élaboration d'un programme puisque qu'il existe c'est celui de 2017 ! Quel désarroi de voir Clémentine Autain, héroïne de l'unité rouge et verte, se soumettre et désavouer le  combat qu'elle mène depuis les européennes ( en plus sur CNews et dans le Figaro !). J'espère que tout cela sera mis sur la table lors de l'AG d'Ensemble afin que l'espoir renaisse.

    Jean Michel Bertrand

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