• La classe se soulève : la récré est terminée !

    La classe se soulève : la récré est terminée ! La récré : celle dans laquelle se complaisait la classe dominante, et qui leur semblait devoir durer toujours. La classe : la nôtre, celle des salarié-e-s, des petits artisans et paysans, celle qui produit tous les jours les richesses dont elle ne profite jamais.

    Un petit prétexte ?…

    Elle s’est levée comme ça, sur un coup de tête, un prétexte : l’augmentation des taxes sur le carburant. Cela peut sembler bien faible, comme détonateur, mais cela a un sens : depuis 40 ans, la société bien pensante n’a eu de cesse de rejeter les « pauvres » en périphérie des villes ou dans les zones rurales, les éloignant des centres-villes où ils faisaient décidemment trop « tache ».

    Mais à l’époque, quel village n’avait pas son école, son bureau de poste, son médecin, ses commerces ? Vivre, même rejeté des centres-villes était encore alors possible, sans avoir à parcourir de longues distances.

    Maintenant, cela n’est même plus pensable pour nos dirigeants ! Quoi, des « pauvres », des travailleurs aux mains sales, des travailleuses aux dos usés, qui voudraient encore vivre décemment ? Cela ne se peut ! Qu’on leur supprime postes et écoles, médecins et commerces ! Vivre devient alors impossible, sauf à prendre la voiture pour tout et rien, pour conduire les enfants à l’école, au foot, à la musique ; pour aller chercher le pain et le lait, pour chercher un colis ou poster une lettre. Et là le budget carburant explose (sans jeu de mots). Pire encore : un deuxième véhicule devient nécessaire, car pendant que l’un conduit les enfants, l’autre doit faire les courses. Et ensuite, chacun part travailler, à l’opposé l’un de l’autre, et il faut reprendre les voitures car en expédiant les « pauvres » hors des villes, on les a aussi éloignés de leurs lieux de travail.

    Et pour faire bonne mesure et les dissuader de rester lorsqu’ils ont l’outrecuidance de venir en ville, (manquerait plus que ça !), on les taxe encore un peu plus avec des parkings payants hors de prix !

    …Pour une grande colère.

    Si le prétexte semble petit, la colère est grande, car nous avons l’impression que travailler ne sert plus à rien. Là où le niveau de vie de nos parents (je parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître !) ne faisait que croitre au fur et à mesure de leur carrière, le nôtre ne fait que décroître. Comment peut-on avoir foi en un avenir, lorsqu’on enchaine les CDD comme des perles, pendant des années, se privant par-là d’éventuelles augmentations de salaires ou promotions que l’on aurait pu avoir en CDI ? Lorsqu’une petite augmentation de 0,5% comme on en connait rarement maintenant dans la fonction publique, est aussitôt mangée, souvent même plusieurs fois, par les augmentations du gaz, de l’électricité, du carburant, des impôts indirects, les plus injustes qui soient ?

    Ultime provocation : le doublement du CICE !

    Mauvais timing : hier, à peu près au même moment où Edouard Philippe, des trémolos dans la voix, annonçait quelques miettes pour tenter de calmer la colère, l’assemblée adoptait la transformation du CICE en allègement de « charges » : moins 6% de cotisations maladie, et moins 4% de cotisations chômage pour les patrons soit un coût de 20 milliards d’euros, auquel s’ajoute le versement de 20 autres milliards au titre du CICE 2018 ! Ce CICE était censé aboutir à la création d’un million d’emplois ! Lorsqu’on sait que des groupes comme Carrefour ont touché 400 millions d’euros par an d’aides de l’Etat pour supprimer 2500 emplois, cela laisse rêveur !

    Comment avoir foi en une république juste, égalitaire, fraternelle, lorsqu’on voit de ses yeux que les impôts que l’on paye ne servent plus aux services publics – rayés de la carte ou privatisés – mais vont encore une fois aller dans les poches des patrons, pour le résultat que l’on connait ! Sur 76 milliards d’impôts sur le revenu perçus en France, en un seul vote, les godillots de la majorité viennent d’en donner 40 au Medef ! Il n’y a donc plus d’impôt républicain, perçu sur tous les foyers (seuls 40% des ménages sont assujettis à l’impôt), et redistribué à tous les foyers, par l’intermédiaire des services publics, le « bien commun ». C’est là une perte de sens sans précédent, pour beaucoup de gens.

    Que voulons-nous ?

    Juste vivre de notre travail. Et qu’on ne vienne surtout pas nous dire qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses, que la France ne produit plus de richesses à cause de ses ouvrier-e-s qui seraient des fainéant-e-s, champion-ne-s du monde des congés et des arrêts maladie. Car depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la valeur ajoutée, c’est-à-dire la richesse créée[1], n’a cessé de croitre, comme le montre le graphique ci-dessous[2].

    La classe se soulève : la récré est terminée !

    Cette légende urbaine de la décroissance française étant mise aux orties, nous pouvons donc réclamer à bon droit :

    •        Le rétablissement de l’ISF. Pas en 2020, après une « étude » qui démarrerait fin 2019, mais tout de suite. Il est exclu que les quelques miettes concédées par le gouvernement soient financées en réduisant encore la dépense publique (les services publics), comme le disait ce matin Edouard Philippe ! Sinon, c’est un marché de dupes, cela s’appelle reprendre d’une main ce que l’on « donne » de l’autre.
    •         La nationalisation, ou re-nationalisation de tous les pans de l’économie qui ont un intérêt public : la production et la distribution d’énergie, les autoroutes, l’industrie pharmaceutique. Ainsi que l’abandon des privatisations ou ventes à l’étranger : ports, aéroports…
    •         Une baisse drastique de la TVA (l’impôt le plus injuste car payé au même niveau par le smicard et le milliardaire), compensée par un impôt direct plus juste à l’assiette élargie (impôt sur les transactions financières, entre autres).
    •        Un maillage restauré en services publics sur tout le territoire, y compris en transports publics gratuits, qui rendront l’usage de la voiture moins systématique.
    •        La taxation du kérozène pour les avions et du fuel lourd pour les bateaux, de commerce ou de croisières. Ces deux modes de transport échappent complètement aux taxes, alors qu’une taxation même minime de ces deux carburants les plus polluants rendrait inutile une augmentation des taxes sur le diesel ou l’essence, et participerait à l’effort écologique pour la planète. 
    •      Un budget augmenté pour la recherche : les solutions pour se passer de l’énergie fossile existent, aujourd’hui pour certaines à l’état de prototypes. Un effort budgétaire pour la recherche, à la place des actionnaires de Carrefour, pourrait permettre de mettre ces solutions en production dans les années qui viennent. Mais pour l’instant, la recherche est le cadet des soucis du Medef et de ses petites mains du gouvernement. Qui a réagi, par exemple, lorsque l’Etat a décidé de retirer sa participation à la ferme hydrolienne du Raz Blanchard ? Poser la question, c’est déjà avoir la réponse !

    Ces quelques mesures résoudraient à la fois la plupart des problématiques soulevées par le mouvement social actuel, tout en respectant également la transition énergétique nécessaire à la survie de la planète. Évidemment, cela nécessite un affrontement, classe contre classe, car la lutte des classes existe toujours et le premier à en être bien conscient est le patronat. Elle ne se réduit pas à la lutte du peuple contre les élites. C’est quoi, une élite ?, c’est quoi, un peuple ? Parlez-moi de dominants et dominé-e-s, d’exploiteurs et d’exploité-e-s. Je comprends mieux.

    Je terminerai par une réflexion amère et désabusée : Lorsque l'on voit comment ont été chargé-e-s, matraqué-e-s, gazé-e-s, avec une violence inouïe, les lycéens et lycéennes qui manifestent dans plusieurs villes de France, on se dit que cette république est bien morte, que ce gouvernement et le système qu'il défend sont bien pourris. Le ministre de l'éducation, Jean-Michel Blanquer, disait ce matin, en parlant des lycéens : "nous avons affaire à des gens qui n'ont plus de limites". Je lui retourne le compliment, car les limites, c'est du côté des forces de "l'ordre" qu'il faudrait les imposer. Les éternels grincheux y ont été de leurs petits commentaires paternalistes : "comme d'habitude, ils font l'école buissonnière, ils ne savent même pas ce qu'ils veulent ! Ce n'est pas comme cela qu'il feront "prépa", etc...". Dois-je rappeler à ces crétins que, premièrement, les jeunes qui manifestent n'ont de toute manière que peu de chance de faire "prépa", le système scolaire actuel se contentant de reproduire les classes sociales, et que deuxièmement, les lycéen-ne-s sont encore des enfants, et ils réagissent comme des enfants. Est-ce vraiment étonnant ? Ils n'ont peut-être pas de revendications propres, mais cela ne les empêche pas d'évoluer dans des familles qui ont du mal à vivre dignement de leur travail. Ils vivent cela au quotidien, alors leur révolte est salutaire, au même titre que celle de leurs parents.


    [1] Définition de l’Insee : valeur de la production diminuée de la consommation intermédiaire.

    « Caporal Joseph DAUPHIN, Maréchal Philippe PETAINL'histoire bégaye. Ou : l'humanité est-elle inhumaine ? »
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  • Commentaires

    1
    JL Amans
    Mercredi 5 Décembre 2018 à 23:01

    Un président des riches qui ne tient que par la répression massive!

    2
    Suzanne
    Mercredi 5 Décembre 2018 à 23:25
    Mon pauvre Manu, je sens que tu vas bientôt être obligé d'aller traverser la rue toi aussi, pour tenter ta chance comme garçon de café...Tu présentes bien, je suis sûre que tu as une chance!
      • Mercredi 5 Décembre 2018 à 23:27

        Bon d'accord, mais en CDD alors !

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    3
    Christophe Lemasson
    Jeudi 6 Décembre 2018 à 07:39

    Bravo !Je mets cela sur facebook en espérant que ce sera partagé au maximum !

     

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