• Ecologie

    Le contexte

    Areva attend que l’Etat la sauve de la faillite

    Les difficultés financières d’Areva, qui couvaient depuis plusieurs années, éclatent en 2014. La survie du groupe est en jeu. À l’origine de ces difficultés, il y a bien sûr l’impact de Fukushima, mais aussi un certain nombre d’opérations désastreuses, dont la construction de réacteurs de troisième génération, les réacteurs pressurisés européens (EPR).

    La recapitalisation d’Areva par l’Etat serait très coûteuse, et pour l’alléger, la branche « réacteurs » doit être cédée à EDF, avec l’entrée de groupes chinois et japonais au capital.

    EDF : la fuite en avant dans le nucléaire

    La situation financière d’EDF est également très délicate. Bénéfice net pour 2015 divisé par trois, suppressions d’emplois, dette de 37 milliards d’euros, liée à une politique d’acquisitions de sociétés à l’international.

    La loi sur la transition énergétique prévoit de faire passer à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité en France, contre 77 % actuellement. Par ailleurs, la durée de vie prévue des centrales est de 40 ans. Le démantèlement de ces centrales générerait des coûts importants.

    En contradiction avec la loi, le PDG d’EDF a déclaré le 16 février: « A moyen terme, l'État nous a donné son accord pour que nous modernisions le parc  actuel de façon à ce que la durée de vie qui a été conçue pour 40 ans, nous la montions à 50 et 60 ans. » Il n’y aura pas de fermetures de centrales de prévues dans les dix ans à venir, à l’exception de Fessenheim… quand l’EPR de Flamanville entrera en service. Position confirmée par Ségolène Royal, qui ajoute tout de même que l’Autorité de sûreté nucléaire doit valider ces décisions de prolongation.

    Pour justifier cette mesure, et pour faire face aux préconisations de sécurité renforcées depuis Fukushima, EDF lance un programme de « grand carénage », estimé à 55 milliards d’euros, (et  au double selon la Cour des comptes), afin de « faire durer » les centrales anciennes en attendant le relais par les réacteurs EPR de nouvelle génération. Le coût financier  du maintien d’un secteur nucléaire prédominant est faramineux, et EDF plaide pour un relèvement très substantiel du prix de l’électricité. Sur le plan de la sécurité, ce « grand carénage » ne peut prendre en compte ni la cuve où s’opère la fusion ni l’enceinte de confinement, qui sont pourtant des pièces essentielles de la sûreté des installations.

    L’inquiétude sur la « fuite en avant » d’EDF est d’autant plus vive qu’elle se prépare à construire deux EPR à Hinkley Point, en Grande-Bretagne, alors qu’elle n’a pas réussi à mener à terme les chantiers en cours où elle est empêtrée, dont celui de Flamanville. Les fédérations CGT, FO et CFE-CGC ont demandé que le projet soit différé, estimant qu'il représente un danger pour la survie de l’entreprise.

    L’Autorité de sûreté nucléaire : une indépendance de principe

    L’autorité de sûreté nucléaire est une agence, en principe indépendante,  chargée du contrôle de la sûreté des installations nucléaires, de la radioprotection (travailleurs du nucléaire, environnement, populations locales) et de l’information des citoyens. Elle est dirigée par un collège de cinq commissaires, dont trois sont nommés par le président de la République, un par le président du Sénat et un par celui de l’Assemblée nationale. Leur mandat est de six ans et non renouvelable. Ils ne sont censés ne recevoir d’instructions de qui que ce soit. L’ASN s’appuie sur les expertises de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

    L’ASN se plaint de ne pas avoir les moyens humains nécessaires pour faire face à l’ensemble de ses missions. Les 170 postes manquants représenteraient un coût de 50 millions d’euros, somme à mette en regard avec les 55 milliards envisagés par EDF pour le grand carénage de ses centrales.

    Le chantier de l’EPR  de Flamanville : un enjeu crucial pour la politique nucléaire de la France

    Un délai juridique de 10 ans pour construire l’EPR

    La décision de construire ce réacteur de 3ème génération avait suscité une importante mobilisation, à l’initiative notamment de Greenpeace et du « Collectif stop EPR ». L’enquête publique est menée en pleine période estivale en 2006. Le 11 avril 2007, après avis du préfet et de l’Autorité de sûreté nucléaire, EDF est autorisée par décret à créer l'installation nucléaire de base. Ce décret donne un délai de 10 ans pour réaliser le premier chargement en combustible nucléaire.

    La construction de l’EPR : infractions, chantiers bâclés, failles continuelles dans la sécurité

    L’ASN a consigné ces failles, par centaines, dans ses rapports d’inspection. En 2008, l’ASN constate que « des fissures » sont apparues « à la coulée d'un bloc de béton composant la plate-forme (le radier) de l'îlot nucléaire de l'EPR ». Le chantier est interrompu pour un mois et EDF est sommée  de proposer  des procédures de contrôle satisfaisantes avant toute reprise des travaux.  En 2011, l’ASN relève treize constats d’infractions dont certains concernent du matériel et des équipements de secours de mauvaise qualité. Le gendarme du nucléaire pointe en 2011 et 2012 des « malfaçons » et des « anomalies » dans les opérations de bétonnage, de ferraillage et de soudage pouvant « porter préjudice à la qualité finale des structures ». Le bétonnage du bâtiment réacteur a été plusieurs fois suspendu (durant un an en 2012 !) En 2014, Médiapart révèle un rapport de de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) concernant des problèmes dans des soupapes de sécurité du circuit primaire. Des fissures réparties sur trois zones de l’enceinte interne du bâtiment réacteur ont pris trois mois pour être réparées. 

    Sous-traitance et exploitation de la main-d’œuvre

    Un accident mortel du travail a lieu en janvier 2011 : un intérimaire fait une chute de 15 mètres. La passerelle sur laquelle il se trouvait avait été heurtée par le chargement d’une grue.

    Le 11 janvier, le journal France-Soir révèle que sur le chantier un salarié de Bouygues sur trois vient des « pays de l’Est » et se fait le relais du syndicat CGT qui dénonce leurs mauvaises conditions de travail, en particulier pour les horaires (10 à 15 heures par jour). L’ASN, qui se doit de réaliser des missions d’inspection dans ce domaine, dénonce  « un manque de compétences, de formation à la culture de sûreté des intervenants » et des « lacunes d’EDF dans la surveillance des sous-traitants. » Elle établit des infractions de travail dissimulé et de sous-déclaration d’accidents du travail. 

    A la suite du rapport de l’ASN, un certain nombre de travailleurs « semblent » avoir été rapatriés d’urgence en Pologne.  

    Un autre accident mortel a lieu au mois de juin de cette même année. 

    Une délégation de parlementaires européens visitent le site, s’indignent, parlent d’esclavage moderne et exigent des garanties de responsabilité sociale des entreprises. 

    Le procès a lieu en 2014 ; le tribunal correctionnel de Cherbourg condamne Bouygues Travaux publics, responsable de la coordination de la sécurité du génie civil sur le chantier, à 75 000 euros d’amende. Très dissuasif ! En revanche,  celui qui écope d’une peine prison ferme –trois mois-, c’est le lampiste, à savoir le grutier dont la grue en cours de chargement a malencontreusement heurté la passerelle, occasionnant ainsi la chute mortelle. 

    Bouygue est de nouveau condamné en juillet 2015, à 25 000  € d’amende  pour avoir eu recours aux services de sociétés pratiquant le travail dissimulé et le prêt de main-d’œuvre illicite sur le chantier de l’EPR de Flamanville. Les sociétés en question ont aussi été condamnées, à savoir la filiale de Bouyghe Quille Construction et le sous-traitant Welbond Armatures, lesquelles ont confié à l’agence d’intérim Atlanco Limited, basée à Chypre, et à la société roumaine de BTP Elco le soin de trouver des travailleurs. Les amendes infligées sont là aussi dérisoires. La société Atlanco  Limited est devenue introuvable. Cette société irlandaise basée à Nicosie y signait des contrats en langue anglaise avec des travailleurs n’ayant jamais mis les pieds à Chypre.

    D’après la CGT, « L’avocat de Bouygues TP a souligné qu’une amende de 30 000 euros impliquerait automatiquement l’interdiction pour la société d’accéder à des marchés publics. Ce qui aurait conduit à des licenciements. » Où comment une multinationale sait se mettre au-dessus des lois…  Malgré la sanction dérisoire encourue, Bouygues et Quille vont faire appel. Pour le principe.

    Les défauts de résistance de l’acier de la cuve devrait condamner le réacteur

    En avril 2015, l’Autorité de sûreté nucléaire rend publique  l’existence de défauts dans l’acier du couvercle et du fond de la cuve du réacteur, réduisant leur résistance à la propagation de fissures. Ces « anomalies » sont qualifiées de « sérieuses, voire très sérieuses ». L’ASN dénonce le fait qu’Areva, fournisseur de la cuve, était au courant de ces graves défauts dès 2007. L’ASN demande à Areva de mener de nouveaux essais de qualifications et de prouver que ses matériaux sont sûrs.

    Cependant le président de l’ASN se montre sensible au fait que que les industriels chargés de ces installations sont « en grandes difficultés économiques et techniques », ce qui constitue une « une source de préoccupation majeure ». La filière nucléaire française est « en phase transition » et « les capacités financières ne sont pas encore là ».[1]

    De ce fait, le démarrage est reporté (au plus tôt) à fin 2018, soit sept ans de retard par rapport au calendrier initial. Or le délai de 10 ans imparti à EDF pour l’achèvement de l’EPR prend fin le 17 avril 2017.

    Quant à la facture, au départ prévue de 3 milliards, elle s’élèvera à 10,5 milliards (au moins).

    L’ASN a d’ores et déjà demandé à Areva d’étudier la fabrication d’un nouveau couvercle de cuve, au cas où les essais mettraient en évidence la nécessité de le remplacer.

    Mais la cuve ? Les défauts constatés entament la résistance d’une cuve destinée à subir d’énormes pressions et des chocs thermiques violents, selon l’ASN. On la croit volontiers. Cette pièce ne peut être changée au cours de la durée de vie d’un EPR, estimée de 60 à 120 ans. Elle doit donc être sans défaut, exigence à laquelle elle doit satisfaire depuis l’arrêté de 2005 sur les équipements sous pression nucléaire, suite à Fukushima.

    Pour Greenpeace, la révélation de ces anomalies pourrait condamner le projet : 'Si les tests en cours confirment l'anomalie --et il y a de fortes probabilités qu'ils la confirment-- ces EPR sont condamnés à ne pas démarrer' car les cuves, dont l'acier fait l'objet de doutes, 'sont a priori irremplaçables' une fois posées », selon le chargé des questions nucléaires à Greenpeace France.

    Un enjeu considérable pour la filière nucléaire française

    Tout ceci tombe très mal pour Areva vis-à-vis de partenaires étrangers qui s’interrogent sur sa fiabilité.

    Areva gère sa survie au jour le jour, à coup de prêts relais. Le gouvernement qui s’est engagé à recapitaliser Areva, ne sait où trouver l’argent et repousse le problème après la présidentielle. En tout état de cause, en dehors des 5 milliards qu’il ne sait où trouver, le plan du gouvernement escompte sur la reprise de la branche « réacteurs » d’Areva imposée à EDF (elle-même en situation de grande fragilité). Or la décision de l’ASN attendue fin 2016-début 2017 conditionne la finalisation de la cession de la branche réacteurs d'Areva à EDF.[2] Et cette vente est un préalable à  la recapitalisation du groupe.

    La décision de l’ASN sera donc particulièrement lourde de conséquences.

    Quand l’équipement nucléaire ne satisfait pas aux normes légales, on change la légalité

    L’Autorité de sûreté nucléaire « indépendante » ne sacrifie-t-elle pas la sûreté des populations à la sauvegarde des intérêts de la filière nucléaire ?

    Un arrêté a été pris le 30 décembre 2015 par le ministère de l’environnement,  visant à assouplir les règles de sécurité des centrales nucléaires définies par une directive européenne de juin 2014. Cet arrêté modifie celui en vigueur depuis 2005.

    Cet arrêté constitue du « sur mesure » pour valider en l’état actuel de non-conformité et de dangerosité la cuve de l’EPR qui ne peut être remplacée.

    Selon un blog de Médiapart[3], c’est l’Autorité de Sûreté nucléaire elle-même qui l’a suggérée au gouvernement :

    « « Le 21 avril 2015, quelques jours après avoir rendue publique l'affaire de la Cuve de l'EPR, l'ASN prenait un avis (n°2015-AV-0231) sur "le projet d'arrêté relatif aux équipements sous pression nucléaire." Et dans cet avis, c'est bel et bien l'ASN qui demande au gouvernement de "Ajouter un article ainsi rédigé: « En cas de difficulté particulière et sur demande dûment motivée, l'Autorité de sûreté nucléaire peut, par décision prise après avis de la commission centrale des appareils à pression, autoriser la mise en service d’équipements sous pressions nucléaires et d’ensembles nucléaires n’ayant pas satisfait à l’ensemble des exigences ... ». Ce que bien sûr, le gouvernement a accepté, en modifiant les articles 10 et 16 de l'arrêté de 2005… »

    Et le blogueur de conclure :

     « Autrement dit : déjà en avril 2015, l'ASN savait que les calottes de l'EPR ne pourraient probablement pas être qualifiées. L'ASN, comme AREVA, savait qu'il ne serait pas possible de les remplacer. L'ASN savait aussi que la loi n'est pas rétroactive. L'ASN savait qu'il faudrait bien trouver un tour de passe-passe pour lever la contradiction entre ses obligations et les pressions politiques qui n'allaient pas manquer. Et l'ASN a trouvé. »

    La question du délai de 10 ans

    La poursuite du chantier au-delà du 11 avril 2017 serait illégale.

    L’Observatoire du nucléaire craint une prolongation pure et simple de l’arrêté du 11 avril 2017 prise en toute discrétion et sans débat. Cette solution ne serait pas valable juridiquement. Le processus d’enquête publique et de débat national doit donc être entièrement repris.

    La nécessaire mobilisation citoyenne

    D’ores et déjà, l’association « Notre affaire à tous » (dont le fondateur est Julien Bayou) annonce le 3 mars 2016 déposer un recours au Conseil d’Etat contre le décret du 30 décembre permettant de passer outre les exigences de sécurité précédemment définies.

    L’Observatoire du nucléaire, engagerait une bataille juridique si le chantier se poursuit au-delà du 11 avril 2017 et qu’une nouvelle procédure de débat public et d’enquête publique ne serait pas engagée.

    Mais ces démarches juridiques auront d’autant plus de chances d’aboutir, et le chantier EPR d’être abandonné que les citoyens seront informés et mobilisés sur cette question.

    Il n’y a pas besoin d’être compétent en physique nucléaire pour comprendre qu’un défaut sérieux dans la cuve où s’effectue la fusion n’est pas un problème mineur de sécurité.

    Au-delà de cette question précise (et majeure) de sécurité, c’est de l’ensemble de la question énergétique dont doivent se saisir les citoyens.

                                        

     



    [1] Lors des vœux à la presse du président de l’ASN le 20 janvier 2016

    [2] D’après le JDD  du 28 février 2016

    [3] https://blogs.mediapart.fr/jean-marie-brom/blog/180216/arrete-sur-la-cuve-de-lepr-lorsque-le-gendarme-asn-protege-le-delinquant-areva

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  • Avec la Confédération Paysanne de Seine-Maritime !Ce sont environ 90 agriculteurs et agricultrices du département qui se sont donnés rendez-vous hier 23 février à Yvetot pour débattre sur le thème : "Ensemble, quelles alternatives proposons nous pour garder des paysans nombreux et heureux qui répondent positivement aux attentes de la société ? ".

    90 agriculteurs et agricultrices combatifs, combatives, bien conscients d'être pris entre deux feux : d'un côté, des coûts de production plus élevés si l'on veut produire de manière naturelle et à échelle humaine, de l'autre, les prix de vente toujours tirés vers le bas par la concurrence de l'agriculture industrielle, qui inonde nos assiettes et nos verres de produits peu regardants sur la qualité.

    Mais 90 agriculteurs et agricultrices qui restent déterminé(e)s à mettre en œuvre une agriculture paysanne, et non industrielle, respectueuse de l'environnement et de la qualité alimentaire.

    Après les tables rondes de l'après-midi, le soir, ce fut autour de la projection d'un film, "mille et une traites", que le débat s'est instauré. A cette assemblée générale du soir, à laquelle participaient les partenaires de la Conf' (réseau des AMAP, biolait, groupe de recherche en agriculture biologique, solidarité paysans, les amis de la conf',...), j'ai pu, ayant été invité en tant que conseiller régional, faire l'intervention que je vous livre ci-dessous :

    "Je tiens à vous remercier de votre invitation et suis très content d’être ici, parmi les 20% d’irréductibles agriculteurs qui résistent encore et toujours, non pas à l’envahisseur romain, mais d’une part à l’expansion de l’agriculture industrielle, et d’autre part, aux organisations soi-disant agricoles, mais qui en fait soutiennent votre cause comme la corde soutient le pendu, étant à la fois juge et partie, à la fois dirigeants de « syndicats » et administrateurs des industries agro-alimentaires ou semencières qui vous pressurent aujourd’hui.

    N’étant pas un professionnel de l’agriculture, j’ai regardé avant de venir ici les grandes lignes de votre programme, et j’ai vu  que les quatre piliers en étaient :

    La souveraineté alimentaire, permettant à chaque territoire de garantir des produits en quantité et en qualité pour chaque habitant.

    La maîtrise de la répartition, sur l’ensemble des territoires

    Le droit au revenu décent, issu du travail et de la vente du produit

    Le respect de l'environnement

    Au Front de Gauche, et en particulier à Ensemble ! que je représente au sein du Conseil Régional, nous sommes à 100% en accord avec cette ossature programmatique.

    -          La souveraineté alimentaire, car cela implique

    o   d’une part de mettre en œuvre partout où c’est possible des circuits courts permettant aux agriculteurs locaux de vivre de leur travail ainsi que de réduire l’empreinte carbone.

    o   Mais aussi de renoncer à piller les ressources alimentaires des pays, souvent ceux en voie de développement, dont la majorité de la production agricole est exportée vers les pays industrialisés ou détournée à des fins autres qu'alimentaires (ex les bio-carburants).

    -          La maitrise de la répartition, car cela mettrait fin au dumping sur les prix agricoles, à la fameuse loi du marché qui aboutit à la crise actuelle des prix du lait ou de la viande. A ce sujet, il est amusant de lire la lettre que Bruno Lemaire a écrite fin janvier à François Hollande, l’accusant de tous les maux de l’agriculture, et réclamant de l’Europe « une meilleure régulation des volumes agricoles sur les marchés ». Venant de quelqu’un qui fût l’un des artisans de la fin des quotas, cela pourrait prêter à sourire s’il n’y avait pas de quoi se mettre en colère.

    -          Le droit au revenu décent, issu du travail et de la vente du produit, car nous serons d’accord pour dire que la crise du monde agricole est structurelle, intimement liée à la crise du capitalisme, et que les quelques mesures annoncées récemment ne seront pas de nature à vous permettre de vivre comme tout travailleur, toute travailleuse, c’est-à-dire, fier(e)s de vivre de votre travail et non des seules aides ou perfusions de l’état ou de l’Europe. Là encore, comme vous, j’estime qu’il serait dangereux que les baisses de cotisations sociales qui vous ont été annoncées se pérennisent, car ces cotisations sociales abondent un bien commun qu’on appelle les services publics et qu’il s’agit, non pas d’une « charge » mais d’un salaire différé. Toute économie que nous ferions aujourd’hui en impôts ou cotisations sociales nous coutera beaucoup plus demain lorsque les services publics seront privatisés. 

    -          Le respect de l’environnement, car les dégâts de l’agriculture industrielle sont énormes : alors que la France représente 18% de la production agricole européenne, elle est le premier pays pour l’utilisation des engrais azotés, et le deuxième consommateur de l’union pour les pesticides.  

    Les conséquences environnementales et sanitaires sont dramatiques : les nitrates sont présents dans la majorité des nappes phréatiques métropolitaines, avec des teneurs supérieures à 50 mg/l en région parisienne et en Bretagne. Les pesticides sont présents dans toutes les eaux superficielles et souterraines et dans l’air, ce sont des présences d’ammoniac ou d’oxydes d’azote (NOx) dues à l’utilisation des engrais azotés, responsables également de près de 10% des émissions nationales de gaz à effet de serre. Sans oublier bien sûr les maladies auxquelles sont exposé(e)s les agriculteurs qui utilisent ces produits.

    Quant aux conséquences financières, une tentative de calcul du coût social engendré par toutes les dépenses de dépollution, d’assainissement, de traitements médicaux, se situe entre 0.9 et 2.9 milliards d’euros par an. Sans compter les 2 millions d’euros dévolus au ramassage des algues vertes. 

    Alors oui, il est grand temps d’arrêter cette industrialisation de l’agriculture et de revenir à une agriculture raisonnée, à une agriculture paysanne.

    La Nouvelle Région Normande disposera de fonds en provenance du Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER), auxquels s’ajouteront les aides en provenance de l’État.

    Nous sommes à l’heure des choix pour orienter ces financements :

    -     Soit continuer à privilégier la concentration des exploitations avec à terme leur reprise par des grands groupes financiers

    -     Soit favoriser des exploitations à taille humaine de plus en plus autonomes dans l’alimentation du bétail et dans la production.

    Nous, nous avons choisi, nous soutenons

    -       ’installation des jeunes sur des surfaces à dimension humaine.

    -       la transformation locale des produits dans des établissements agroalimentaires véritablement sous contrôle des producteurs.

    -       Le développement des marchés de proximité, des AMAP, des magasins de vente directe

    -     Ainsi que l’obligation pour les restaurations collectives (écoles, crèches, maisons de retraites) d’intégrer dans les appels de marché les critères de qualité et de proximité pour limiter les impacts carbones.

    A chaque fois que nos moyens d’expression nous le permettrons, nous porterons ce message, et le vôtre, dans l’hémicycle régional."

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  •  

    Le président du Conseil Régional de Normandie découvre -  quelques années après les usagers qui se heurtent tous les jours aux retards, aux suppressions de trains, aux erreurs de mise à quai, à de multiples problèmes de maintenance - que la situation en Normandie est "scandaleuse et honteuse". Il réclame auprès de l’État un plan de rattrapage sur les investissements et propose de reprendre « la gouvernance » des trains Intercités.

    Nous sommes opposés à la régionalisation des trains Intercités pour toutes les raisons exposées dans le communiqué que vous pourrez lire ci-dessous (paru le 19/02 dans la presse régionale), mais aussi parce que c'est la porte ouverte à la privatisation. La région reprendrait la gestion des trains lorsque l'état s'en désengage ? Qu'adviendra t-il dans quelques années lorsque la région voudra également se désengager ? Poser la question, dans notre système capitaliste, c'est déjà avoir la réponse !

    N'oublions pas que l'état procède déjà au dépeçage de la SNCF, en cherchant à se défaire de 6 des 8 lignes de trains de nuit, comme il l'a annoncé la semaine passée par la bouche d'Alain Vidalies, secrétaire d'état aux transports : Ces trains sont "trop chers", et il faut faire appel à la concurrence pour repenser "de nouveaux schémas d'exploitation innovants". Quel doux euphémisme pour parler de la privatisation d'un service public !

    Qui donc pourrait sincèrement penser que l'état, tant que nous resterons dans ce système libéral,  reprendrait les lignes régionales en cas de désengagement de la région, afin de les protéger de l'avidité du privé ? Personne ! Régionaliser les lignes intercités, c'est donc jouer un jeu extrêmement dangereux

    Au front de Gauche, comme nous le disons dans le communiqué, nous militons pour la création "d' un syndicat régional des transports afin de faire contribuer les entreprises à l’effort nécessaire pour développer nos transports régionaux. Celui-ci pourrait en effet prélever le versement transport auprès de toutes les entreprises de plus de 11 salariés, en Normandie, et dégager de nouveaux moyens permettant de faire face aux besoins et aux nouvelles responsabilités de la région en matière de transport".

    Cela permettrait de faire face à l'ensemble des besoins de la population en termes de transports : transports urbains, ruraux, scolaires, trans-fluviaux (voir article sur le bac de Quillebeuf), tous transports pour lesquels, à Ensemble !, nous sommes favorables à la gratuité.  Mais pour être certain que les fonds récoltés seraient bien investis au bénéfice de la population, il faudra que dans ce syndicat, ce soient les associations d'usagers, les syndicats de personnels, les citoyens, qui soient "à la manœuvre", car il est hors de question de laisser le patronat et ses affidés s'emparer des commandes.

    Gilles Houdouin, le 22/02/2016

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  • Jeudi 18 février 2016, nous avons, avec Céline BRULIN, également conseillère régionale et conseillère municipale de Bolbec, rencontré le maire de Quillebeuf sur Seine, ainsi que trois responsables du comité de défense du bac de Quillebeuf.

    Ce bac, emprunté quotidiennement par 1600 véhicules et une trentaine de poids-lourds, est aujourd'hui menacé. C'est le seul bac de seine qui relie deux départements, l'Eure et la Seine-Maritime, et ses frais d'exploitation, autrefois pris en charge par moitié par les deux départements, sont maintenant pris en charge aux deux tiers par la Seine-Maritime, et pour un tiers par l'Eure. Or il n'est pas exclu que le vote du budget du département de l'Eure, en mars, ne reconduise pas sa participation (1,1 million d'euros). Le désengagement de l'Eure serait une catastrophe pour Quillebeuf, il signifierait la mort du bac.

    Le village et ses habitants ont déjà eu, à plusieurs reprises, à subir des arrêts d'exploitation lorsque le bac tombe en panne. En effet, il n'existe qu'un seul bac de remplacement sur l'ensemble du fleuve (le bac 14), et celui-ci est très souvent utilisé pour remplacer le bac de Duclair dont la motorisation, inadaptée, tombe également régulièrement en panne. Lorsque cela arrive (12 jours en 2015, déjà 5 jours en janvier), Quillebeuf devient une ville morte; les commerces observent une chute de 30 à 40%  de leur chiffre d'affaire, et les usagers - nombreux sont ceux qui travaillent de l'autre côté, dans les entreprises de la zone industrielle de Port-Jérôme - n'ont d'autre choix que de rallonger leur temps de transport de 45 minutes et de payer le pont de Tancarville.

    Cela est d'autant plus problématique que les usagers ne sont pas prévenus des arrêts pour maintenance, et qu'ils ne l'apprennent souvent qu'au moment où ils se présentent à l'embarcadère !

    La continuité du service public est alors rompue.

    Cet état de fait est dénoncé par le comité de défense, qui argue que si, comme c'était initialement prévu, la motorisation du bac de Duclair avait été refaite, le bac de remplacement pourrait être plus souvent utilisé à Quillebeuf, le cas échéant. En ce qui concerne le bac de Duclair, un audit avait été mené sous la précédente mandature du conseil départemental, en novembre 2014. Qu'est il devenu ? Il semblerait que cet audit ait été enterré par l'actuelle majorité.

    Enfin, les collectivités départementales 27 et 76 qui aimeraient se désengager du financement du bac évoquent le retour à un péage. Tant le maire de Quillebeuf que le comité de défense du bac y sont opposés : avant 2004, le bac était payant, et il a été rendu gratuit car les coûts engendrés par le recueil des péages était supérieurs aux recettes !

    Le bac est un service public qui doit rester gratuit !

    En tant qu'élu(e)s du Front de Gauche, nous sommes évidemment en plein accord avec cette vision des choses.

    Nous apporterons tout notre soutien aux militants du comité de défense du bac, ainsi qu'au maire de Quillebeuf, si les menaces contre le maintien du bac se faisaient plus précises.

    Mais indépendamment des actions ponctuelles et immédiates, nous mettrons également tout en œuvre afin de trouver une solution pérenne. En particulier, tous les acteurs concernés doivent pouvoir prendre connaissance des résultats de l'audit concernant le bac de Duclair ! C'est aujourd'hui un point de blocage car les pannes récurrentes de ce bac accaparent trop souvent celui de remplacement.

    De plus, nous profiterons des nouvelles compétences dévolues à la région en terme de transports pour proposer un plan de financement et de développement de l'ensemble des transports normands. En particulier par la création d'un syndicat régional des transports, dans lequel siègeraient les associations d'usagers et les syndicats de personnels, et qui aurait pour mission de faire contribuer les entreprises à l'effort nécessaire pour développer nos transports régionaux. Celui-ci pourrait en effet prélever la contribution transport auprès des entreprises de plus de 11 salariés, dans toute la Normandie, alors que nombreuses sont celles qui en sont exonérées aujourd'hui.

    Cette participation des entreprises[1] (0,5% de la masse salariale) permettrait de dégager des fonds non négligeables pour améliorer, rouvrir ou conserver des lignes de chemin de fer[2], ou pérenniser les bacs de Seine, par exemple. Ces exemples étant non exhaustifs.



    [1] Il faut noter que l'entreprise Exxon, sur la zone industrielle de Port-Jérôme, participe au fonctionnement du bac de Quillebeuf à hauteur de 30 000 euros. Que font les autres ??

    [2] Voir, au sujet du transport ferroviaire, le communiqué de presse du groupe des élus Communistes et du Front de Gauche. Vous pourrez le lire sur ce blog.

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  • Lafarge ne doit pas fermer !Après les licenciements chez Sidel, que la lutte exemplaire menée, par deux fois, par les ouvriers et employés du site ont permis de réduire au maximum, c'est au tour de Lafarge d'annoncer que sa cimenterie de Saint-Vigor d'Ymonville, près du Havre, stopperait sa production pour ne devenir qu'une unité de broyage de clinker (constituant du ciment artificiel).

    Sur les 144 emplois actuel, 111 seraient supprimés.

    le groupe Lafarge avait, en 2013, incité le personnel de l’usine à s’engager dans un "plan de compétitivité" du site devant s’accompagner de 80 millions d’investissements pour le moderniser. Les salariés et leurs organisations syndicales ont joué le jeu et répondu aux attentes de ce plan de compétitivité, souvent au prix de sacrifices personnels et d’adaptation de leur organisation professionnelle et familiale.
    En 2015, tous les objectifs assignés par le groupe Lafarge au site ont non seulement été atteints mais très largement dépassés, alors même que sur les 80
    millions d’investissements annoncés, 17 millions seulement furent réalisés.

    Pour avoir rempli tous ces objectifs, les récompenses sont tombées :

    • Bruno Lafont, le PDG du groupe, l'a quitté en juillet 2015 avec une indemnité de départ de 5,9 millions d'euros et la promesse d'une retraite chapeau de 640 000 euros par an, lorsqu'il fera valoir ses droits à la retraite ! De quoi voir l'avenir avec confiance !
    • Pour les salariés de Saint-Vigor, ce sera la porte ! avec les remerciements des actionnaires.

    Alors que le groupe dégage une marge de 28%, cette fermeture de site s'apparente clairement à un plan de licenciement boursier.

    Jean-Paul Lecoq, Conseiller départemental Front de Gauche de Seine-Maritime et maire de Gonfreville l'Orcher, a envoyé un courrier à Hervé Morin, président de la région Normandie, pour que soit organisée d'urgence une table ronde sur l'avenir de l'usine.

    Afin d'appuyer cette demande, j'ai moi-même envoyé le 10 février un courrier à Hervé Morin ainsi qu' à la Vice Présidente chargée du développement économique, Sophie Gaugain. Ce courrier est pour l'instant en attente de réponse :

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