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En Seine-Maritime, toujours des Mineurs Non Accompagnés en danger
Suite à l'action des associations de soutien aux migrants en juillet dernier, et au jugement du tribunal administratif qui avait condamné le département à trouver dans les 24h une solution d'hébergement stable et durable (voir cet article), j'avais envoyé une lettre au président du département Pascal Martin. Contre toute attente, j'ai reçu deux réponses début et fin octobre, l'une du président, l'autre de la vice-présidente en charge de l'enfance et de la famille. Vous pourrez lire ces réponses ci-dessous. Pour autant, les choses ont-elles changé ?
Pour mémoire, vous pourrez retrouver ici ma lettre du 1er août à Pascal MARTIN, président du département :
ici, vous pourrez trouver la réponse du Président, en date du 5 octobre :
Et celle de Nathalie LECORDIER :
Dans sa réponse, Pascal MARTIN admet qu'il y a un manque de moyens mais nous dit qu'il n'est pas d'un tempérament à renoncer ou à déplorer une baisse des dotations de l’État (indéniable) . Au début de l'été, il a signé deux avis d'appel à projet en vue de reconfigurer les capacités d'accueil et d'évaluation des migrants.
En soi, ce n'est pas tant la capacité d'évaluation des migrants qui nous intéresse - celle-ci étant plutôt destinée à déclarer des mineurs majeurs ou à renvoyer des migrants qui ne rempliraient pas les "critères", mais plutôt les capacités d'accueil. Mais donnons acte à Pascal Martin de cette volonté.
Cela étant, signer un appel à projet, c'est bien. Mais compte tenu des délais nécessaires à la rédaction des cahiers des charges et du temps accordé aux soumissionnaires pour répondre aux projets, cela nous emmène loin dans le temps pour leur mise en œuvre effective. Or, dans ce domaine de la mise à l'abri et de la scolarisation des mineurs, nous sommes dans l'urgence.
Donnons acte également au Président du département d'affirmer que cet accueil doit être une cause commune à tous, et ne doit pas se faire dans l'affrontement, mais avec la collaboration de toutes les forces de la société. Très bien. Je lui rappelle donc que je suis, avec les toutes les associations concernées, prêt à le rencontrer.
La réponse de Nathalie LECORDIER est plus... comment dire... plus "fraiche". Je vous laisse la lire, et me dire si quelque part dans ma lettre j'ai pu mettre en doute l'intégrité ou les compétences du personnel de l'ASE. Passons...
Dans les deux cas, on retrouve quand même le même désir de se "mettre à l'abri" (à défaut d'y mettre les migrants), en se protégeant derrière le fait que rien ne pourra se résoudre localement, mais de manière Européenne, voire mondiale. Autrement dit : "on n'y peut pas grand chose et on fait ce qu'on peut".
Et aujourd'hui, mi-novembre 2017 où en est-on ?
Plutôt qu'un grand discours, je préfère reproduire ci-dessous l'intégralité d'un "appel à mobilisation" du Collectif Anti-raciste d'Elbeuf, membre de l'ASTI, qui montre que les problèmes restent entier :
"Des « Mineurs Isolés Étrangers », que l’on appelle aussi « Mineurs Non Accompagnés », sont arrivés dans notre région, parfois par hasard, parfois envoyés par d’autres départements ; S’ils sont là aujourd’hui, c’est qu’ils ont fui leur pays, parfois seuls, dans des conditions effroyables, empruntant des parcours souvent extrêmement dangereux et traumatisants, faisant preuve d’un immense courage ; ce sont de véritables héros !
Dans notre pays, comme la Loi l’impose, tout mineur privé de la protection de sa famille, quelle que soit son origine, dépend des dispositions relatives à la Protection de l’enfance ; il doit être pris en charge par le département ; la justice le confiant alors à l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) qui doit le mettre à l’abri, le nourrir, le vêtir, s’assurer que des soins médicaux ont été prodigués, veiller à sa sécurité, favoriser son intégration en lui donnant rapidement la possibilité d’apprendre le français lorsque c’est nécessaire, veiller à sa scolarisation, proposer une formation (apprentissage, lycée professionnel…).
Malheureusement, force est de constater qu’on est loin des objectifs décrits avec précision dans la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 ; chez nous, dans notre département de Seine Maritime, tout semble fait pour retarder la prise en charge, l'évaluation de la minorité et de l'isolement est bâclée et trop souvent à charge… chez nous, dans notre département de Seine Maritime, certains mineurs sont placés dans des foyers, et accompagnés par le personnel éducatif de ceux-ci ; d’autres, moins chanceux, sont parfois laissés à la rue (ou même remis à la rue !), certains encore sont mis à l’abri dans des hôtels, tels les 18 mineurs regroupés depuis plusieurs mois dans un hôtel de Cléon. La plupart du temps livrés à eux même, sans suivi quotidien, sans argent pour prendre les transports en commun, ces jeunes nous alertent (nous, bénévoles aidants de la société civile) régulièrement sur leurs conditions de vie, ils sont extrêmement angoissés devant le peu de perspectives d’avenir qu’on leur propose, ils réclament haut et fort à aller à l’école, ils ne veulent pas rester à rien faire…
Mais voilà, nous sommes fin octobre, sur les 18 jeunes que notre association, le Collectif Antiraciste de la région d’Elbeuf, tente d’aider un peu, un seul est scolarisé en lycée professionnel (il n’a pu se procurer ses fournitures scolaires qu’après presque un mois de classe !..), trois autres viennent d’obtenir, avec beaucoup de courage et d'acharnement, une scolarisation au collège, mais le suivi éducatif et matériel que l'ASE devrait effectuer pour ces mineurs (il s'agit d'une obligation légale...) n'est pas fait...ils vont rentrer au collège avec, au mieux, un mois et demi de retard depuis la rentrée scolaire. Aujourd’hui, le 23 octobre, 4 jeunes de moins de 16 ans (et donc pour lesquels il y a obligation scolaire), ne sont toujours pas scolarisés ! les mineurs âgés de 16 à 18 ans devraient aussi avoir un accès facilité à l’éducation, à une scolarisation, à une formation professionnelle, comme l’indiquent les textes (code de l’éducation, circulaire interministérielle du 25/01/2016), mais ils attendent, et on ne leur propose rien !! c’est un scandale ! Le département, qui en a la responsabilité, est hors la Loi ! L’Éducation Nationale semble incapable de gérer les dossiers à examiner, ne parait pas en capacité d’agir rapidement ! S’agit-il uniquement d’un manque de moyens, ou bien ce manque de moyen, cette inertie, sont-elles liées à une volonté de ne pas agir, de ne pas respecter les droits de ces enfants, pour leur donner le moins de chance possible de s’intégrer dans notre société, pour mieux les rejeter dès lors qu’ils deviendront majeurs ?
Ces jeunes, que nous rencontrons régulièrement, font pourtant preuve de beaucoup de respect de nos institutions, du monde adulte, de leurs interlocuteurs ; ils ne se font pas remarquer, sont polis, attentifs aux conseils que l’on peut leur donner, curieux, parfois souriants (mais certains semblent avoir de plus en plus de mal à sourire…), ils n’attendent qu’une chose : qu’on les aide à s’intégrer, à grandir, à devenir ! Ils pourraient exploser, se révolter, se marginaliser, devenir la cible de groupes malfaisants les ayant repérés comme proies faciles…est-ce là ce que les « autorités compétentes » attendent pour agir ?!?
En 2017, chez nous en France, en Seine Maritime, on traite ces enfants à minima, sans respect de leurs droits, sans considération, sans humanité ; C’est INDIGNE ! Honte à ceux qui permettent cela !
En soutien à ces jeunes mineurs non accompagnés, nous demandons au Département d’agir et nous nous associons à la demande des associations d’organiser une réunion d’urgence avec le président du département pour évoquer plus précisément la situation et connaître les décisions qui permettront une amélioration rapide de cette situation."
Dans le même temps, et c'est une bonne chose pour la convergence des luttes, le collectif "justice pour les jeunes isolés étrangers" devrait appeler à une mobilisation le 20 novembre, le jour de la "journée mondiale des droits de l'enfance". Lire ici (ou là), le communiqué de presse de ce collectif qui, bizarrement, ne parle pas de cette mobilisation. Mais nul doute que nous aurons bientôt de plus amples nouvelles. Ce sera le moment d'aborder avec le département tous ces problèmes et la manière de les solutionner, rapidement et humainement.
Avec le mouvement "Ensemble !", je serai de ce combat.
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