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Energie : productivistes contre écologistes ?
L'annonce en juin de la fermeture anticipée de la centrale thermique du Havre au printemps 2021 a relancé le débat entre ceux et celles qui applaudissent à cette fermeture, au nom de l'écologie, et ceux et celles qui s'en attristent, dont je suis. Au nom bien sûr du gâchis social dont notre ville n'a pas besoin, mais pas seulement : au nom aussi de l'écologie.
On revoit à cette occasion fleurir des nom d'oiseaux comme "productivistes", caricaturaux s'il en est. Posons les termes du débat : Faut-il fermer tout ce qui se rapporterait à un "ancien monde" dans lequel le mot "charbon" serait le repoussoir absolu, au profit d'une énergie qui serait 100% renouvelable et non polluante, qui, malheureusement, n'existe pas encore, et, peut-être, n'existera jamais ?
Certes il y a une urgence écologique, et, dans la campagne des élections municipales qui s'annoncent, notre mouvement ne sera pas le dernier à le dire. Mais soyons sérieux : l'empreinte carbone "zéro", ça n'existe pas ! Même celui qui marche à pied utilise des chaussures dont l'empreinte carbone n'est pas négligeable, tant en terme de production que de transport et ensuite, de recyclage ou valorisation énergétique (incinération).
Alors le véritable débat, débarrassé de toutes ses caricatures(1), c'est comment faire pour utiliser au mieux l'existant, en sortir lorsque c'est possible et/ou souhaitable, favoriser la recherche et l'émergence de nouvelles idées et technologies qui n'existent pas encore.
Zéro empreinte carbone : ça n'existe pas
On pourrait reprendre tous les modes de production d'énergie, depuis que l'humain est sur cette terre, et tous les analyser. Que découvrirait-on ? Que la plus grande déforestation n'est pas celle de la forêt amazonienne (inacceptable par ailleurs) mais celle à laquelle nos ancêtres ont procédé tout au long des premiers millénaires, pour se chauffer, s'abriter, cuire leur nourriture. Qui se rappelle qu'au moyen-âge, entre Harfleur et le cap de la Hève, ce n'était qu'une forêt, dont il ne reste aujourd'hui que le parc de Rouelles et Montgeon ?
Mais plus près de nous, on découvrirait que l'énergie éolienne, une des plus inutile qui soit, est une grande pollueuse : outre les terres rares utilisées dans les aimants permanents des éoliennes synchrones (30% du marché) et dont l'extraction se fait dans des conditions environnementales et sociales détestables(2), citons les ondes électromagnétiques dues aux lignes de transport du courant (hé oui, elles ont beau être enterrées, ça n'arrête pas les ondes), la consommation de cuivre comme pour tout ce qui est électrique, mais surtout le recyclage des pales, dont pour l'instant, personne ne sait quoi faire ! Dans l'article du 20/02/2019, très récent donc, que j'ai mis en lien, Paul Duclos, responsable de la filière éolienne au Syndicat des Énergies Renouvelables, déclare : "On commence juste à se saisir du sujet". Fichtre ! quelle anticipation ! quelle vision d'avenir ! On s'aperçoit aussi qu'une des méthodes pour valoriser les pales d'éoliennes en fin de vie était de les brûler dans les cimenteries(3). Ah ! ben, c'est ballot ! "On" a laissé le capitalisme boursier fermer Lafarge à Rogerville ! Ça c'est de la bonne gestion !
Et tout cela pour des rendements bien inférieurs aux productions d'énergie classiques : les éoliennes ont un facteur de charge (rapport entre l'énergie réellement produite et la puissance nominale) de 0,3 au maximum. Une éolienne de 5 MW (les plus grosses actuellement) produit donc en fait 1,5 MW réel.
Fermer la centrale thermique : non !
Fermer cette centrale, comme s'en réjouissent (si si) hélas certains écologistes est un non-sens. Je ne reviendrai pas sur le coût social, dans une agglomération au taux de chômage déjà élevé. D'un strict point de vue scientifique et technologique, il a été montré que de telles centrales pouvaient être adaptées à d'autre process moins polluants. Il en existe au moins deux. Bien sûr, aucun de ces deux procédés n'est écologiquement "pur". Je viens de le dire : la pollution zéro, ça n'existera jamais :
- le procédé "Ecocombust", utilisant comme "carburant" les déchets verts et les déchets de bois. La centrale EDF de Cordemais, en Loire-Atlantique, a été transformée pour fonctionner avec ce procédé. Jean-Paul Lecoq, plusieurs fois, a plaidé pour que la centrale thermique du Havre soit pareillement transformée. En vain. Notons que cette centrale est située sur le "territoire" de De Rugy, le ministre "écologiste" grand amateur de fruits de mer et de deniers publics : charité bien ordonnée ne pense qu'à soi-même. Notons également que ce procédé n'est pas exempt de rejets de microparticules. Mais je ne répète pas que "la pollution zéro, ça....etc...."
- le procédé à "cycle combiné à gazéification intégrée", qui utilise le charbon, certes, mais qui permet de dépolluer en amont et d'éliminer la plupart des rejets toxiques (sauf le CO2, malheureusement, qu'il est néanmoins possible de capturer) : SO2, NO-NOx, Ozone, Mercure, microparticules, composés organiques.
Le problème pour nos dirigeants très intelligents, c'est que cela nécessite des investissements importants, non directement rentables à court terme pour des actionnaires. C'est donc inacceptable. Ce qui me donne l'occasion de rappeler qu'il n'y aura pas d'écologie sans changement de système économique : Écologie et Capitalisme sont antinomiques !
Les paquebots de croisière : comment les alimenter ?
Un des gros problèmes écologiques actuels, au moins dans les ports, est la pollution incroyable apportée par les navires de croisière à quai, lorsqu'ils sont obligés de laisser tourner leurs machines, soit au fuel lourd, soit au fuel "basse teneur en soufre" mais tout aussi polluant, pour fournir le bateau en électricité.
Il y a donc deux solutions : soit on détruit tous ces bateaux, on les coule par le fond (mais ça pollue les fonds marins), on les empêche d'accoster. C'est une méthode peut-être un peu expéditive et autoritaire, vous en conviendrez ! L'autre solution, c'est de les alimenter en électricité - si possible à peu près "verte" - à partir du quai, comme cela se fait déjà en Suède ou au Danemark. Mais évidemment, on n'alimente pas ce genre de bateau avec un groupe électrogène (en plus, ça pollue) ni une pile Wonder de 4,5 volts.
Comment faire ? Justement, il se trouve qu'au Havre nous avons une centrale thermique, qui pourrait fonctionner avec des procédés "verts", et suffisamment proche du port pour pouvoir alimenter tous ces bateaux (et pas seulement les paquebots de croisière) en électricité (presque) verte !
Alors, on fonce ! Il n'y a rien de productiviste là-dedans, juste du bon sens, une bonne utilisation des outils à notre disposition, en attendant mieux.
L'énergie 100% renouvelable, 100% verte, existe-t-elle ?
Non, et je ne pense pas m'avancer en disant qu'elle n'existera jamais. Si l'espèce humaine veut continuer à vivre sur la planète, jusqu'à sa destruction inévitable par l'implosion du soleil (soit dit en passant : nous ne sommes par éternels, et ne le serons jamais), il faudra combiner de multiples sources énergétiques. Même si nous parvenons à faire des économies d'énergie, par l'utilisation de nouveaux matériaux de construction, par un changement de modes de vie et de mentalité, n'oublions pas que 1,7 milliards d'habitant-e-s sur la terre n'ont pas encore accès à l'électricité et que ce n'est pas nous, occidentaux "nantis", qui allons les obliger à se serrer la ceinture encore pendant quelques siècles. Fournir tout la planète en électricité, c'est possible à condition de ne pas détruire tout ce qui existe avant de savoir par quoi le remplacer.
Et l'énergie hydraulique, dans tout ça ?
Il s'avère que c'est pour l'instant l'énergie la moins polluante ! moins que les éoliennes et les panneaux solaires, si l'on fait abstraction, bien sûr, des dégâts causés à l'environnement ou aux populations lorsqu'il s'agit de retenues d'eau artificielles. Alors, quel est le problème ?
Le problème est là encore le capitalisme (et pas seulement Macron ! si c'était un autre de son espèce, ce serait la même chose), qui, parce que c'est une énergie rentable, veut la privatiser, comme il a privatisé les autoroutes, comme il veut privatiser les infrastructures aéroportuaires.
Alors, que faire ?
Il faut, au plan national comme au plan local, avoir une vision à la fois écologique, sociale (pas seulement sociétale) et démocratique. Répondre à ces trois urgences, à mettre sur le même plan, est une condition nécessaire pour un changement durable de système économique en vue d'une transformation complète de nos modes de production, de consommation, de vie. Seule cette vision permettra d'envisager une transition écologique digne de ce nom.
Il me plait de penser qu'au niveau municipal, il y aurait une liste citoyenne, soutenue par la grande majorité des partis et mouvements de gauche, par la majorité des citoyens et citoyennes de la ville et de la l'agglomération, et dont le programme, pensé et écrit par les citoyen-ne-s, permettrait de répondre (au moins pour ce qui concerne les compétences d'une municipalité) à ces trois urgences : Sociale, Écologique, Démocratique.
Il se pourrait que ce ne soit pas qu'un rêve.
(1) entre "vous voulez revenir à l'âge des cavernes" ou "vous êtes de vieux staliniens productivistes", il y en a pour tout le monde ! Et me traiter, moi, de vieux stalinien, c'est un monde ! Bon, à la limite, vieux, pourquoi pas. Mais stalinien ! Surtout un 21 août !
(2) principalement en Afrique et en Chine. Ce n'est pas pour rien que la Chine est la plus grande productrice d'éoliennes, et la part d'énergie éolienne de la Chine représente 31% du total mondial.
(3) la température des fours des cimenteries (2000 °C) permet de détruire intégralement toutes les fractions organiques résiduelles des matériaux incinéré. De plus la partie minérale des cendres peut être intégrée aux composants du ciment.
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Commentaires
Très bien. J'ajouterais que beaucoup de ceux qui veulent fermer la centrale thermique du havre, au lieu de la reconvertir, pensent remplacer sa production par celle des centrales nucléaires (Paluel, Penly, Flamanville, etc). Il est vrai que ces centrales nucléaires dégagent peu de carbone polluant, ce qui fait qu'elles ont une bonne "empreinte carbone". Mais elles sont très dangereuses et beaucoup plus immédiatement que la fin de la planète (accidents, émanations radioactives, transport des composants radioactifs, déchets, démontage final). L'accident de Fukushima l'a montré.
Les centrales nucléaires sont de plus en plus chères car elles essayent de devenir plu sûres, objectif impossible car l'erreur humaine ou la combinaison fortuite de risques est inévitable.